5. La gravitation
Loi universelle de la gravitation
Énoncé
La loi de la gravitation stipule que deux objets massifs interagissent à distance par l’intermédiaire d’une force qui est toujours attractive. Cette loi prend une forme simple dans le cas de deux sphères uniformes, ou encore dans le cas de deux corps de forme quelconque mais dont les dimensions sont suffisamment réduites pour qu’ils puissent être considérés comme ponctuels vis-à-vis de la distance qui les sépare.
Le raisonnement qui a conduit Newton à la découverte de la loi de la gravitation est basé sur les hypothèses suivantes:
le corps \(A\) exerce sur le corps \(B\) une force proportionnelle à la quantité de matière qui compose le corps \(A\). Autrement dit, la force est proportionnelle à la masse du corps \(A\).
d’après le principe des actions réciproques, la force exercée par \(B\) sur \(A\) doit être de même intensité mais de sens opposé à la force de \(A\) sur \(B\). Il en découle donc que la force de gravitation est également proportionnelle à la masse du corps \(B\).
enfin, l’intensité de la force diminue avec la distance séparant les centres de masse des deux corps. Pour que l’expression soit compatible avec les lois phénoménologiques établies par Kepler (1571–1630), Newton conclut que la force gravitationnelle doit être inversement proportionnelle au carré de la distance.
Loi
Loi universelle de la gravitation
Deux corps de masse \(m_A\) et \(m_B\), dont les centres de gravité \(A\) et \(B\) sont séparés de la distance \(r\), exercent l’un sur l’autre la force gravitationnelle :
avec \(\vec{u}=\overrightarrow{AB}/\Vert \overrightarrow{AB} \Vert\) est le vecteur unitaire de la droite \((AB)\) — voir la Fig. 16 — et \(\mathcal{G}\) la constante gravitationnelle : \(\mathcal{G} \approx 6.67\times10^{-11}~\text{N} \cdot \text{m}^{2} \cdot \text{kg}^{-2}\).
Étant donnée la valeur très faible de \(\mathcal{G}\), la force d’attraction entre deux objets de masses usuelles est donc négligeable.
Force de pesanteur et force gravitationnelle
Comparons à présent les deux situations présentées sur la Fig. 18. Précédemment, nous avons vu qu’un objet de masse \(m\) est soumis à la surface de la Terre à son poids :
où \(g\) est l’accélération de la pesanteur. D’un autre côté, la loi universelle de la gravitation énonce qu’un objet de masse \(m\) située à l’altitude \(h\) par rapport à la surface de la Terre est attiré par la force gravitationnelle \(\vec{F}\):
où \(m_T\) est la masse de la Terre et \(R_T\) son rayon. Or d’après Newton, ces deux forces sont l’expression d’une seule et unique interaction. En comparant les équtions (48) et (49), nous pouvons directement déduire que l’accélération de la pesanteur est donnée par :
Arrêtons-nous quelques instants pour commenter la relation (50):
l’accélération de la pesanteur est indépendante de la masse de l’objet qui subit la force. Deux corps de masses différentes en chute libre mettrons donc la même durée pour atteindre le sol.
l’attraction gravitationnelle diminuant avec la distance, il en résulte que \(g\) décroît à mesure que l’altitude augmente. Cependant, le rayon de la Terre étant de plusieurs milliers de km, cette variation reste très faible pour des altitudes \(h \ll R_T\).
La théorie de Newton permet ainsi de calculer la valeur de \(g\) à la surface de la Terre (\(h=0\)) :
Une autre conséquence de la relation (50) est que le poids d’un objet varie d’un astre à l’autre. Considérons par exemple la Lune : en appliquant la formule (50) avec les valeurs numériques \(m_L \approx 7,35 \times 10^{22}\) kg et \(R_L \approx 1736~\)km, on obtient : \(g_L \approx 1,63~\text{m}\cdot \text{s}^{-2}\). La gravité est donc environ 6 fois plus faible sur la lune que sur la Terre, comme illustré sur la Fig. 19 (a).
Enfin, notons encore que la détermination précise de \(g\) est rendue complexe par le fait que la Terre n’est ni pas parfaitement sphérique, ni parfaitement homogène. La valeur de \(g\) varie donc légèrement d’un endroit à un autre — voir la Fig. 20. Pour les besoins pratiques, la Conférence générale des poids et mesures a défini en 1901 une valeur normale de l’accélération de la pesanteur, à l’altitude 0, sur un ellipsoïde idéal approchant la surface terrestre, pour une latitude de 45°, égale à 9.80665 m s⁻², souvent approximé à 9.81 m s⁻².
Orbites circulaires
Mouvement circulaire uniforme
Pour comprendre le mouvement orbital d’un satellite autour d’une planète ou d’une planète autour d’une étoile, revenons sur le principe d’inertie qui peut s’énoncer ainsi :
« Tout corps persévère dans son état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite, à moins qu’il ne soit contraint, par des forces s’imprimant sur lui, à changer cet état. »
De fait, une trajectoire circulaire implique la présence d’une force qui empêche le corps de poursuivre son mouvement « naturel » rectiligne. Sur l’illustration de gauche de la Fig. 21, une personne fait tourner un ballon au bout d’une corde. La force de tension permet de maintenir le ballon sur la trajectoire circulaire. Si la corde casse, la force de tension s’annule et le ballon poursuit son mouvement selon une trajectoire rectiligne, conformément au principe d’inertie.
En énonçant le premier principe de la dynamique, Galilée puis Newton firent le constat que le mouvement circulaire n’était pas un mouvement « naturel », puisque d’après ce principe les seuls mouvements « naturels » (c’est à dire en l’absence de force) sont le repos (absence de mouvement) et le mouvement rectiligne uniforme. Dès lors, le mouvement circulaire (qui jusqu’alors était considéré comme un mouvement naturel) impliquait l’existence de forces pour contraindre les objets sur leurs trajectoires.
Dans le cas des astres, c’est la force de gravité qui empêche la Lune ou les satellites artificiels de s’échapper de leur trajectoire circulaire, tout comme la corde empêche le ballon de continuer en ligne droite
Nous avons établi au Chapitre 2 que le mouvement circulaire uniforme est un mouvement uniformément accéléré : la norme \(v\) du vecteur vitesse est constante mais sa direction change à tout instant. Le vecteur accélération est centripète, c’est-à-dire orienté vers le centre du cercle :
Note
Il peut sembler contre-intuitif qu’un objet dont la norme de la vitesse est constante soit en fait accéléré à tout instant. On sait qu’en physique un changement du vecteur vitesse est par définition appelé une accélération. Ce changement peut intervenir sur la norme du vecteur, sur sa direction, ou sur les deux. Dans le mouvement circulaire uniforme, la norme du vecteur vitesse est constante mais sa direction change à tout instant. Le mouvement circulaire uniforme est donc un mouvement en accélération continue. On peut l’expliquer en considérant la variation de vitesse entre deux instants: la Fig. 22 illustre l’accélération centripète. À tout instant, la vitesse d’un objet en mouvement circulaire uniforme est perpendiculaire au mouvement. Entre deux positions 1 et 2:
la norme reste constante \(||\vec{v_{1}}||=||\vec{v_{2}}||\)
l’orientation du vecteur vitesse varie, et cette variation s’exprime comme \(\Delta \vec{v}=\vec{v_{2}}-\vec{v_{1}}\)
On voit que la variation de vitesse \(\Delta \vec{v}\) entre ces deux points est orientée vers le centre du cercle qui constitue l’orbite.
Or une variation de vitesse n’est rien d’autre qu’une accélération, et l’on voit dans la Fig. 22 que cette accélération est centripète.
D’après le principe fondamental de la dynamique, l’intensité \(F_c=\Vert \vec{F}_c \Vert\) de la force centripète associée à cette accélération est alors égale à : \(F_c=ma_c\).
Dans le cas des astres, c’est la gravité qui empêche à tout instant la Lune ou les satellites artificiels de s’échapper de leur trajectoire circulaire, tout comme la corde empêche le ballon de continuer en ligne droite (Fig. 23).
Vitesse de satellisation
Qu’est ce qui empêche un satellite (naturel ou artificiel) de retomber sur Terre sous l’effet de la gravité ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre comment les satellites artificiels sont placés sur orbite. Newton a imaginé pour cela l’expérience de pensée illustrée par les figures ci-dessous: on place un canon sur la plus haute montagne de la Terre, les boulets étant soumis uniquement à la gravité.
Cette exercice de pensée naïf nous montre qu’il existe une vitesse minimale permettant de compenser l’attraction gravitationnelle. Contrairement à une idée répandue, le boulet n’est pas en impesanteur. On comprend également qu’un satellite est en permanence en train de retomber sur la Terre, mais il est maintenu sur sa trajectoire circulaire par son inertie.
En principe, il serait possible de placer des satellites en orbite à n’importe quelle altitude. Néanmoins, la dissipation d’énergie due aux frottements avec l’air de l’atmosphère empêchent de placer un satellite à moins de \(\approx 200\) km d’altitude. À titre d’exemple, les satellites Starlink ou encore le téléscope spatial Hubble sont sur des orbites situées autour de 550km, tandis que la station spatial internationale se trouve à une altitude moyenne de 400km.
L’applet ci-dessous vous permet de suivre la position de la station spatiale internationale (ISS) et du télescope spatiale Hubble (HST) en temps réel.
Trouvons l’expression de la vitesse de satellisation par analyse dimensionnelle.
Identification des paramètres importants
Puisque la force impliquée dans notre problème est la gravité, on peut raisonnablement supposer que la vitesse en question dépendra de:
\(m_{\rm T}\) la masse de la Terre
\(\mathcal{G}\) la constante de la gravitation
\(R\) l’altitude du satellite (définie ici comme la distance au centre de la Terre, et non pas à la surface de la Terre)
On cherche donc une formule du type:
Dimensions des paramètres importants
Précisons les dimensions de chacun des paramètres importants que nous venons d’identifier:
\(R\) est une distance et a donc la dimension d’une longueur \(L\)
\(v\) est une vitesse et a la dimension d’une longueur divisée par une durée \(L T^{-1}\)
\(m_{\rm T}\) est une masse et a la dimension d’une masse \(M\)
La dimension de la constante de la gravitation \([\mathcal{G}]\) n’est pas triviale. On peut facilement la déterminer en utilisant la loi de la gravitation de Newton. Les dimensions doivent être égale de chaque côtés de l’équation:
On en déduit que:
Nous sommes maintenant prêts à effectuer l’analyse dimensionnelle.
Analyse dimensionnelle
L’équation (52) s’écrit, en terme de dimensions:
On déduit: \(\boxed{\alpha=\beta =\frac{1}{2} ~ ; ~ \gamma = -\frac{1}{2}}\)
et donc:
\(\boxed{v = cte \times \sqrt{\frac{\mathcal{G} m_{T}}{R}}}\)
Nous pouvons maintenant être plus quantitatif en trouvant l’expression exacte et complète de la vitesse d’un satellite sur une orbite circulaire de rayon \(R\). Pour cela, on applique bien sûr le principe fondamental de la dynamique à un point matériel de masse \(m\) soumis à la force de gravitation (47). Étant donné l’expression (51) de l’accélération, on obtient :
On voit que:
la constante qui nous manquait dans l’analyse dimensionnelle vaut simplement 1.
Cette vitesse est indépendante le la masse du satellite : cela signifie qu’à altitude égale, un petit satellite de quelques kilogrammes comme CubeSat aura la même vitesse que la station spatiale internationale qui pèse 450 tonnes.
Pour certaines applications (télécommunications, météorologie, …), il est nécessaire que l’orbite du satellite soit synchronisée avec le mouvement de rotation de la Terre. Depuis la surface de la Terre, le satellite semble fixe : on parle de satellite géostationnaire. Or la vitesse — et donc que la période — d’un satellite ne dépend que du rayon de son orbite. Il existe donc une altitude unique, située à près de 36 000 km de la surface de la Terre, appelée orbite géostationnaire. Cette altitude très spéciale est donc évidemment très prisée par les différents acteurs de la conquête spatiale: les états et les entreprises en ont besoin pour les communications (téléphonie, internet, télévision), les militaires et les scientifiques pour l’observation de la Terre en continue. Il y a environ 22 000 satellites géostationnaires actuellement en orbites!
Le mouvement des astres
La troisième loi de Kepler
Historiquement, Newton a utilisé les lois empiriques de Kepler pour mettre au point sa théorie de la gravitation. Ici, nous menons le raisonnement inverse afin de démontrer la troisième loi de Kepler relative au mouvement des planètes :
« Le carré de la période de révolution est proportionnel au cube de la distance au Soleil ».
Pour établir cette loi, notons tout d’abord que la vitesse \(v\) d’une planète sur une orbite circulaire de rayon \(R\) est reliée à sa période \(T\) :
Si l’on compare à l’expression (53) on obtient donc directement la troisème loi de Kepler:
Loi
Troisième Loi de Kepler.
Le carré de la période de révolution T d’un corps en orbite autour d’un astre de masse M est proportionnel au cube du rayon R de sa trajectoire
La Figure interactive ci-dessous présente la période observée pour les 8 planètes du système solaire ainsi que Pluton en fonction du rayon observé de leur orbite, et compare avec la prédiction théorique de la Troisième Loi de Kepler. On voit que les mesures sont en excellents accord (zoomez pour mieux voir sur le planètes telluriques).
(Source code, html)
La théorie de Newton permet donc de démontrer la loi que Kepler avait établie de manière empirique à partir des mesures de la position des planètes, réalisées en particulier par l’astronome danois Tycho Brahe (1546-1601). Il devient ainsi possible d’expliquer et de prédire avec précision les paramètres orbitaux de tous les astres (planètes, satellites, comètes) du système solaire. Notons cependant que nous avons restreint la discussion aux seules orbites circulaires : en fait, une étude plus approfondies des équations du mouvement montrent que les trajectoires sont des coniques : ce sont soit des ellipses (dont le cercle est un cas particulier), soit des hyperboles, soit des paraboles.
Universalité des lois de Kepler et de Newton
Nous allons étudier le système d”exo-planètes orbitant l’étoile naine rouge TRAPPIST 1 de masse \(M=1.78\times10^{29}\) kg. Ce système possède 7 planètes dont les périodes ont été mesurées avec précision par la méthode des transits.
Les données de ces exo-planètes sont les suivantes (on considère en première approximation que leurs orbites sont circulaires):
Planète |
Rayon (\(10^{6}\) km) |
Période (jours) |
---|---|---|
b |
1.73 |
1.51087637 |
c |
2.37 |
2.42180746 |
d |
3.33 |
4.049959 |
e |
4.38 |
6.099043 |
f |
5.76 |
9.205585 |
g |
7.01 |
12.354473 |
h |
9.27 |
18.767953 |
(Source code, html)
On confirme donc que la Troisième Loi de Kepler est valide pour un système d’exoplanètes quelconque! Nous savions que les lois de Newton dont découle la Troisième Loi de Kepler sont en effet universelles et s’appliquent partout dans l’Univers (sauf lorsque l’environnement est relativiste).
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